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2011 – Abd El-Kader

Troisième Prix Fondation Ousseimi accordé à titre posthume à « l’Emir Abd-Kader »

Le 4 novembre 2011, au Palais des Nations Unies à Genève, le troisième « Prix Fondation Ousseimi de la Tolérance » a été accordé à « l’Emir Abd El-Kader » dans les termes suivants :

Allocution de M. Jacques MOREILLON

Lorsqu’au début de ce siècle notre Fondation a souhaité développer son action en faveur d’un monde plus tolérant, elle a commencé par se donner la définition suivante de la tolérance :

« La tolérance est à la fois un état d’esprit et une attitude, qui ne prend tout son sens que dans la confrontation quotidienne avec l’Autre. La tolérance est plus que la paix (surtout si l’on définit cette dernière dans son acception minimale de « non-guerre ») : c’est l’acceptation de l’Autre dans toute sa diversité, en le reconnaissant comme un égal en droits et en libertés, quels que soient son sexe, sa race, son ethnie, sa religion, ses opinions. La tolérance implique de dépasser la méfiance, les craintes et les préjugés, mais aussi l’indifférence, pour s’ouvrir à l’Autre et vivre non pas nécessairement comme lui, mais avec lui.
Le concept même de tolérance postule qu’il existe des valeurs minimales partagées entre tous les hommes – une sorte de règle du jeu commune ou encore de cadre normatif universel, tel celui énoncé dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme – et, qu’en respectant l’Autre, chacun s’attend à être également reconnu pour ce qu’il est, ce qu’il fait et ce qu’il croit. »

Sur cette base, la Fondation Ousseimi a décidé, d’une part, de soutenir des projets qui lui semblaient contribuer à faire entrer cette définition dans la réalité et, d’autre part, de reconnaître publiquement et concrètement des hommes ou des institutions qui auraient effectivement apporté leur contribution à un monde plus tolérant.
Le choix du premier prix « Fondation Ousseimi de la Tolérance » fut facile ! En fait, il s’imposa à nous par la personnalité de Nelson Mandela, cet homme exceptionnel qui a su non seulement amener son pays à la démocratie, mais encore lui éviter un bain de sang et le chaos par son extraordinaire faculté de tolérance et de pardon. Nous lui remîmes le Prix en mains propres en avril 2004.
Mais ce choix du premier prix nous posait un problème : après Mandela….. qui ? On ne pouvait que descendre d’un cran ! Aussi l’idée nous est venue de donner le Prix non pas à une personne mais à un évènement, en l’occurrence le « Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde » dont l’activité nous paraissait fortement symbolique. En effet, alors que tant de guerres et autres conflits trouvent leur source dans des oppositions religieuses, mettre ensemble les musiques dites « sacrées » de plusieurs religions nous paraissait un acte de tolérance fortement symbolique. Ce prix-là fut attribué en 2006.

Se posa alors la question de notre troisième prix. Et si, plutôt que de célébrer une personne vivante nous reconnaissions plutôt les mérites d’un modèle aujourd’hui disparu mais encore valable pour notre temps ? Le sauvetage des chrétiens de Damas par l’Emir AbdelKader en 1860 nous donnait l’occasion d’un anniversaire – un cent cinquantenaire. Et la vie et les actes de cet homme fournissaient à notre époque un exemple digne d’être souligné et suivi, car 1860 n’est pour l’Emir que l’aboutissement d’une longue vie d’ouverture et de tolérance, lui qui – 20 ans avant Henry Dunant et la première Convention de Genève – confia la protection des prisonniers de guerre ennemis à sa propre mère en énonçant des règles précises quant à leur protection et leur traitement. Lui, qui musulman croyant et convaincu, encourageait le juif à aller dans sa synagogue et le chrétien dans son église, car l’important était de ne pas oublier Dieu.
Quel meilleur modèle proposer à notre époque ou tant d’extrémismes mettent un masque religieux pour cacher leurs mobiles politiques ?

C’est ainsi que nous décidâmes de donner, à titre posthume bien sûr, le « Prix Fondation Ousseimi de la Tolérance » à l’Emir AbdelKader.

Mais la question se posait de savoir que faire de l’argent du Prix ! Nous constatâmes alors que nombreuses restaient les sources sur AbdelKader qui n’avaient pas été répertoriés. Or l’ignorance est la principale alliée de l’intolérance. Il fallait que l’Emir soit mieux connu et que l’on fasse jaillir ces sources cachées pour les proposer à la connaissance de tous.

Nous ouvrîmes donc un concours aux institutions et personnes susceptibles de se livrer à de telles recherches. Et avec un spécialiste des questions religieuses relatives à l’islam nous choisîmes les deux personnes qui, par leur expérience, leurs connaissances et les réponses qu’elles donnèrent à nos questions nous semblaient les plus aptes à consacrer les 60.000 francs du Prix à des recherches qui compléteraient la liste des sources disponibles sur AbdelKader, pour les partager avec la communauté académique et, finalement, le grand public : le Dr Tom Woerner-Powell et Madame Geneviève Sethi-Simon, que vous aurez l’occasion d’entendre dans quelques instants.
Quant à la statuette (notre « Oscar ») et le diplôme qui vont avec le Prix, ils seront remis au Musée AbdelKader à Damas puisque c’est d’abord le sauvetage des chrétiens de cette ville par l’Emir que nous célébrons aujourd’hui et que c’est dans cette ville que le grand homme mourut, entouré d’une reconnaissance véritablement universelle, preuve de la valeur de son témoignage – en actes, en parole et en écrits – pour notre époque contemporaine.

Répertoire analytique d’archives sur l’Emir Abd el-Kader (1808 – 1883)

Les travaux de recherche réalisés par Tom Woerner-Powell et Setty Simon-Khedis ont été publiés en 2014 par les éditions Alzieu (www.editions-alzieu.com) sous le titre «Répertoire analytique d’archives sur l’Emir Abd el-Kader (1808 – 1883)». Le livre a fait l’objet d’une présentation par Dr Woerner-Powell le 28 octobre 2014 lors d’une conférence tenue à la Biblioteca Viva de al-Andalus à Córdoba. La version française du texte anglais peut être consulté en cliquant sur le lien ci-dessous.

Tom woerner Powell – 28.10.2014

 

 

Palais des Nations (ONU), Genève 4 novembre 2010

 

Les chercheurs lauréats du prix :Madame Geneviève Simon-Khetis, Dr Tom Woerner-Powell